Manifeste des 121
« Déclaration sur le droit à linsoumission
dans la guerre dAlgérie »
Dans lenceinte de ce camp, nous nétions
que deux à être insoumis.
Les appelés allaient la tête basse contraindre
un pays qui revendiquait sa propre identité.
Le capitaine commandant la garnison mavait reçu
à mon arrivée. Je lui avais expliqué
les raisons de mon refus. Javais, alors que je me rendais
au bureau du capitaine, laissé perplexe un petit gradé,
un adjudant ou un sergent enfin, un petit quelque chose en
uniforme. Je passais devant lui sans daigner remarquer sa
présence lorsquil minterpella
Toi, là!
Je continuais davancer sans me presser, je savais que
linterjection métait destinée. Lhomoncule
voyant que je poursuivais mon chemin sans me retourner fut
obligé de courir pour se planter devant moi. Rouge
de colère, il hurla :
Vous ne saluez pas un gradé ?
Je ne sais pas saluer, on ne ma pas appris.
Le militaire interloqué me fixait comme si jétais
un extra terrestre. Dans son univers saluer cétait
comme pisser, on napprenait pas, ça venait tout
seul. Bouche bée il ne sut répondre,
je continuais mon chemin, imperturbable. Sil vit encore
il doit peut-être penser parfois à cet insoumis
qui létait au point de ne pas savoir saluer.
À lhôpital militaire de Rennes, une infirmière-chef,
belle femme dans la petite quarantaine, régnait. Elle
mavait évité des années de bagne
militaire à lépoque cétait
à Tataouine,
au fin fond du Sahara. En étaient sortis, plus sanguinaires
encore, la moitié et plus des condamnés à
mort du dernier demi-siècle.
Extrait du livre « Erotiques et autres
mémories » par L. de C.
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